Le tétras-lyre, bel oiseau dont le mâle affiche des caroncules rouges et une queue en forme de lyre, est une espèce vulnérable. Présente en Vanoise, ses effectifs tendent globalement à une régression. Inscrit à la directive européenne Oiseaux, le tétras-lyre fait l'objet d'une attention particulière. Ses habitats sont situés entre 1400 et 2300 mètres d'altitude, là où se trouvent des domaines skiables, également concernés, sur les hauteurs, par l'activité agricole d'alpage. Aujourd'hui les domaines skiables agissent et s'investissent dans la protection de cette espèce.
Pour mieux connaître et préserver les habitats favorables au tétras-lyre, le Parc national de la Vanoise a mené en 2015 et 2016, en collaboration avec l'Observatoire des Galliformes de Montagne (OGM) et en partenariat avec les gestionnaires de domaines skiables, une étude sur trois domaines : La Norma (Villarodin-Bourget/Avrieux), Val d'Isère et Méribel-Mottaret.
L'étude comprenait deux diagnostics, l'un sur les habitats d'hivernage, l'autre sur les habitats favorables à la reproduction du tétras-lyre, sachant que la présence et qualité de ces habitats conditionne la dynamique de population de l'espèce.
Grâce au programme LIFE GypHelp 2014-2018, dans lesquels s'incrivent ces diagnostics, cette action a bénéficié du soutien financier de l'Europe et également de celui des domaines skiables de la Norma et de Val d'Isère. Les actions en faveur du gypaète barbu, espèce dite parapluie, peuvent en effet profiter à d'autres espèces d'oiseaux, comme le tétras-lyre, en particulier pour les risques de percussion avec les câbles aériens.
Le diagnostic des habitats d’hivernage du tétras-lyre
Les tétras-lyres sont très sélectifs dans le choix de leurs habitats d’hivernage. Ils se regroupent le plus souvent en lisière supérieure de la forêt dans les secteurs combinant à la fois une source de nourriture proche (aiguilles de résineux notamment) et de la neige poudreuse qui leur sert de couvert protecteur. En effet, les tétras-lyre passent une partie de l'hiver dans un igloo qu'ils creusent dans la neige. Cela leur permet de limiter au maximum les déplacements afin d’économiser leur énergie vitale. Le dérangement occasionné par les activités touristiques et récréatives, notamment en période de grand froid, peut avoir des répercussions importantes sur leur état physiologique car il occasionne une dépense énergétique préjudiciable à la survie de ces oiseaux qui ont peu de réserves.
► Objectifs du diagnostic
Sur un territoire où le tétras-lyre constitue un enjeu de conservation, le diagnostic des habitats d’hivernage avait pour objectif de :
- délimiter les habitats utilisés par les tétras-lyres en hiver,
- qualifier et quantifier l'importance des activités touristiques et récréatives hivernales pratiquées en leur sein.
► Méthode
Pour mener ce diagnostic, les agents du Parc national de la Vanoise ont appliqué, sur le périmètre des domaines skiables, le protocole défini par l'OGM avec :
- la recherche de crottiers au printemps pour identifier les zones refuge hivernales,
- l'identification du type d'activités touristique exercées, par maille de 100x100 m, et la mesure de l'intensité de la fréquentation sur ces mêmes mailles et le recoupement avec les zones d'hivernage identifiées du tétras-lyre.
► Résultats et actions à mettre en place
Les données sont en cours de traitement par les agents du Parc et permettront notamment de disposer d'une cartographie informatique précise des zones d'hivernage du tétras-lyre sur les trois domaines skiables concernés, croisée avec l'incidence de la fréquentation touristique.
Sur cette base, différentes mesures pour la préservation de l'espèce pourront être mises en place, de manière ciblée, et en partenariat avec les gestionnaires de domaines skiables:
- mise en défens, avec cordes, et panneaux de signalisation des zones refuge hivernales identifiées lorsque celles-ci connaissent une fréquentation importante.
- les résultats du diagnostic croisés avec les câbles de remontées mécaniques, permettront d'identifier les câbles dangereux pour pouvoir mettre en œuvre un plan d'équipement de visualisation des câbles, en collaboration avec chaque domaine skiable.
Le diagnostic des habitats de reproduction du tétras-lyre
Les poules sont exigeantes dans le choix de leurs habitats de reproduction. Ces derniers doivent apporter couvert végétal et ressources alimentaires aux poussins. Aussi, pendant la période d’élevage des jeunes, les poules occupent un domaine vital d’une vingtaine d’hectares, constitué d’une végétation qui présente à la fois:
- un bon couvert au sol (strate haute de 25 à 50 cm dominante avec un recouvrement d’au moins 50%),
- une richesse floristique élevée, en lien avec l’abondance d'insectes, nourriture principale des poussins pendant leurs premières semaines.
Sauf dans le cas des mélézins et pinèdes qui laissent toujours passer suffisamment de lumière pour permettre le développement des strates basses, il s’agit en général de milieux semi-ouverts dont le recouvrement par les arbres et arbustes est compris entre 10 et 50%. Ces milieux se situent le plus souvent sur les hauteurs des domaines skiables et accueillent pour la plupart une activité agricole d'alpage.
► Objectifs du diagnostic
La réalisation du diagnostic des habitats de reproduction visait deux objectifs :
- localiser et quantifier les habitats naturels favorables à la reproduction du tétras-lyre,
- identifier les habitats potentiellement favorables à la reproduction (améliorables sous conditions) dans lesquels la strate de 25 à 50 cm est dominante mais où l'évolution de la végétation (fermeture par les ligneux) ou certains usages agricoles (pâturage précoce) dégradent les conditions d'élevage des nichées.
► Méthode
Les agents du Parc ont mis en œuvre le protocole défini par l'OGM pour décrire les habitats favorables, potentiellement favorables ou défavorables, par mailles de 100x100 m sur le périmètre des trois domaines skiables.
Les relevés d'observation se basent notamment sur deux critères généraux :
- la répartition des ligneux et leur pourcentage de couverture par maille,
- le pourcentage de couverture de la maille par une strate végétale attractive pour les poules, constituée de plantes herbacées et/ou de myrtilles, et de 25 à 50 cm de hauteur.
Des sous-critères plus précis permettent ensuite d'affiner la description et de graduer depuis le caractère très favorable jusqu'au caractère défavorable à l'élevage des nichées.
► Résultats et actions à mettre en place
Les données cartographiées présentent aujourd'hui un état des lieux précis des habitats favorables ou potentiellement favorables à la reproduction du tétras-lyre.
Sur cette base, différentes actions pourront être mises en œuvre, en partenariat avec les gestionnaires de domaines skiables et les agriculteurs alpagistes, parmi lesquelles :
- le gyrobroyage des ligneux sur les habitats potentiellement favorables mais en cours d'enfrichement,
- la mise en place d'un calendrier de pâturage compatible avec le maintien d'habitats de reproduction favorables, en évitant notamment le pâturage précoce,
- les résultats du diagnostic croisés avec les câbles de remontées mécaniques, permettront d'identifier les câbles potentiellement dangereux pour l'espèce pour pouvoir mettre en œuvre un plan d'équipement de visualisation des câbles, en collaboration avec chaque domaine skiable.
Les données recueillies par le Parc national de la Vanoise, grâce à cet important travail de diagnostic, sont centralisées par l'Observatoire des Galliformes de Montagne.
Elles viennent s'ajouter aux données recueillies par d'autres partenaires, avec les mêmes protocoles, sur de nombreux domaines skiables et unités pastorales, à l'échelle de l'arc alpin français. Elles sont maintenant disponibles via une application internet.